Arrêtez ce cirque !

Sueurs froides. On n'ose pas lever les yeux.

Oubliez les échafaudages aux normes, fixés à la façade, les harnais, casques et autres chaussures de sécurité. Aucun contre-maître pointilleux sur la sécurité au pied du chantier.

Ici, les équilibristes d'un cirque, celui de la vie dans un pays pauvre où on n'a pas droit à l'erreur, sont des ouvriers, payés au lance-pierres, perchés sur des planches mobiles et vermoulues

En plein cagnard, pas le droit au moindre malaise. Arrêter le chantier c'est les priver de salaires. Et c'est partout pareil. Qui dira qu'une vie perdue est un drame qui justifie toutes les précautions ? Pourquoi les donneurs d'ordre n'exigent -ils pas de sécuriser les ouvrages. Ils ont tout à perdre en terme d'image. Il y a pourtant suffisamment d'avocats dans ce pays pour faire les poches aux prestataires laxistes et à leurs clients  irresponsables. 

Les indiens ou les chinois n'ont pas le vertige, dit-on. Quand ils tombent... bon c'est regrettable mais ils sont tellement nombreux vous savez!  Les maliens non plus n'ont pas les jambes qui flageolent. Quand on n'a pas le choix, qu'on est pauvre, on finit par s'habituer.                                          
                                  
Ici, c'est le cirque de la Canicule, moins glamour que son célébrissime homologue du Canada.
40 degrés sur une planche à 10 mètres du sol, sans chapiteau, sans filet, sans public et pas de sable sur la piste, juste du béton.        

Dialogue avec le chef de chantier:

-"Euh y a jamais eu d'accident ?"
-"Hamdullilah non!"  

-"C'est comme ça partout ?"                                                                                                                                                       -"Oui"                       
-"Là, pas de droit à l'erreur, non?"
-"Inch Allah non"                                                                                            
- "Et si les clients exigent la sécurité?"
-"On la mettra, mais ce sera plus cher"
-"Mais si un ouvrier tombe c'est plus cher et l'image en prend un coup non?"
-"On voit à ce moment là"                                                                                                                                                          -"Si vos enfants étaient là haut ?"
-"C'est qu'ils auraient du travail..."
-"La RSE, vous connaissez ?"
-"Les risques sur l'échafaudage? "     
-"Non, laissez tomber (si on peut dire!)"