Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Non mais sans blog !
Non mais sans blog !
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Non mais sans blog !
Pages
Newsletter
15 mars 2015

Retour au pays

Après avoir évoqué lors de chroniques précédentes, le destin opposé de deux migrants maliens en France, Félix et Bassirou, la boucle est maintenant bouclée avec le retour au pays d'Issa, 57 ans, conducteur d'engin, après vingt années passées à Bagnolet.

Le dialogue se passe entre l'aéroport de Bamako et le village de Youwarou dans le Macina à cinq heures de route et de piste où se trouve la famille d'Issa. Seydou, 28 ans, son petit frère est venu le chercher.

Seydou : " Bonjour Issa ! Aw bissimila ! bienvenue au pays mais...c'est tout ce que tu as comme bagages ?"

Issa : " Eh oui petit frère, n'ayant plus de travail depuis six mois, j'ai dû vendre à peu près tout ce que j'avais pour le billet d'avion "

Seydou : " Sinon, on t'aurait laissé venir en Sotrama ! J' rigole, nous on pensait que tu avais fait fortune ou presque, vu le peu d'argent que tu nous as envoyé! "

Issa : " Tu parles d'un comité d'accueil. Les Sotrama c'est l'assurance de mourir carbonisé à vingt dans une sortie de piste. Tu plaisantes pour l'argent, la moitié de mon salaire filait chaque mois chez Western Union. J'espère que vous n'avez pas tout mangé !"

Seydou : " Ne te fais pas d'illusion. Les prix ont beaucoup augmenté depuis ton départ et même depuis trois ans, quand tu es venu pour les vacances. En plus, tu sais que Modibo a dû être opéré d'un rein à Casablanca. "

Issa : " En France, quand ils ont un emploi, les maliens de la diaspora ne peuvent pas emprunter malgré les taux très bas car leurs revenus ne sont pas réguliers et les entreprises ne veulent pas garantir que le salaire tombera tous les mois sur le compte de la banque."

Seydou : "Alors, pourquoi toutes les familles envoient quelqu'un en Europe ou en Amérique?"

Issa : " Parce qu'elles ne savent pas comment est la vie là bas, elles regardent trop les séries télé et préfèrent attendre l'argent sous le manguier, en sirotant le thé pendant que l'idiot de service, qui a réussi à traverser au péril de sa vie, se crève la paillasse et dort dans un foyer miteux."

Seydou : " AÏcha et Fatou vont être déçues, elles pensaient que tu revenais avec des robes, des bijoux, des téléphones portables..."

Issa : " Seydou, je ne suis plus le père Noël. Si ma retraite n'est pas trop petite, j'essaierai encore de vous aider mais si je peux économiser pour démarrer un potager, il faudra vous débrouiller. Le père m'avait dit avant de mourir qu'il me laissait un peu de terre derrière l'enclos des chèvres."

Seydou : " N'y compte pas. Chérif a récupéré la parcelle pour donner le titre foncier en garantie à une banque pour son commerce qui va mal "

Issa : " Toute cette peine pour ça. Ce n'est pas possible! Même chez moi, je suis dépouillé par ma famille ".

Seydou : " Tu sais, c'est dur aussi ici. A la ville, pas de travail, dans les champs, pas de salaire, juste le repas et l'hivernage n'a pas été bon depuis quelque temps. Le prix de notre récolte de coton a plongé alors que le riz paddy qu'on achète au marché a doublé. S'il ne pleut pas en juin juillet, c'est encore une récolte de foutue. On est plus de trente à vivre sur l'exploitation. Et les enfants naissent sans arrêt. Tu ne connais pas encore ton neveu Mamadou, le dernier d'Aminata et le sixième dans sa famille. "

Issa : " J'espère retrouver ma place et contribuer mais il faut aussi que je me repose, la France ne m'a pas épargné. Je n'ai pas de femme, vous êtes toute ma famille. Il ne faut plus envoyer quelqu'un là bas au Nord, c'est trop dur".

Seydou : " Issa, tu sais, on est content de te revoir. On t'a préparé une petite fête!"

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité