Insolites de Bamako

...de nuit, un homme s'avance au milieu de la route. A la lueur de mes phares, je l'aperçois hagard brandissant un ventilateur en marche au dessus de sa tête, inquiétant.

une famille de quatre sur une moto Jakarta comme on dit à Bamako file dans le trafic, périlleux.

un berger peul derrière un troupeau de chèvres bloque le rond point de l'Indépendance, imparable.

une centaine de militaires font leur jogging au milieu des voitures en chantant, décalé.

trois petits crocodiles ornent le fronton de la prison, sous estimé.

un groupe d'écolières en uniforme, le cartable sur le dos, chahute sur le trottoir dans de grands éclats de rire, insouciance.

un campement de mendiants paralytiques défend le passage vers la cathédrale tandis que des voitures sont abandonnées sur la voie publique ou garées en triple file pour la prière à la grande mosquée toute proche, instructif.

un véhicule blindé de l'ONU bloque l'accès à la clinique Pasteur où sont traités plusieurs patients Ebola, dérisoire.

à chaque entrée de restaurant ou de bâtiment public, un vigile braque un pistolet sur votre tempe pour prendre la température avant de donner du savon antiseptique, hygiénique.

les paysans sont partout dans les potagers, nostalgique.

une poignée de riverains jouent aux cartes sur un banc en buvant le thé à la menthe, convivial.

une ribambelle d'enfants jouent pieds nus avec un tas de chiffons en guise de ballon, innocence.

deux gazelles en treillis gardent l'entrée de la banque. ''M. Philippe, on sait se battre !'', préjugé.

à l'entrée du ministère, le garde lit le même journal depuis un mois, ennui.

une enseigne indique "restaurant- pâtisserie- boucherie- glacier- pizzeria- café", ambitieux.

au cocktail de signature, le buffet disparaît en quelques minutes, aubaine.

dans les pharmacies de la ville, le rayon le plus populaire est celui du 'tonus sexuel', pas vraiment insolite !

sanglé à son balafon, un musicien au look de yogi, psalmodie sans fin, fascinant.

perché sur son minaret, un muezzin se déchaîne à quatre heures du matin, chiant...

On ne peut s'empêcher de penser : qui ou quoi depuis la première bactérie a ordonnancé pareille séquence d'événements ? quel déterminisme ou cerveau génial, poétique ou malade a pu concevoir une telle cacophonie de sons, d'images et d'impressions ? Dérangeant !