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8 novembre 2014

Petite parabole de l'entrepreneur africain

Oublie ta calculette. Remballe ton plan comptable. Eteins ton tableur. Observe et apprends.

Miracle du système bancaire africain : la petite entreprise qui ne trouve pas de crédit en Europe en trouve ici facilement. Voici comment.

Il était une fois un entrepreneur individuel, appelons le Youssef, quelque part dans la vallée du Niger, entre Segou et Mopti, qui faisait dans le commerce général. Ah le commerce général, premier secteur des pays massivement importateurs, faute de transformation industrielle. En vrac, au propre comme au figuré, notre homme jonglait avec les céréales, les articles en plastique, le ciment, la quincaillerie, le sucre, le textile et produits divers.

Son état civil indiquait qu'il était né vers 1970, était marié à trois femmes et avait environ quinze enfants.

Il n'avait pas de comptabilité, ni de salariés malgré tous ceux qu'on voyait travailler pour lui. Il ne partait jamais en vacances ou restait dans les parages. Il évitait de tomber malade.
Ses frais fixes étaient réduits au minimum : un peu d'eau et d'électricité, pas d'assurances sauf divines, sa publicité il s'en chargeait en serrant les mains et en prenant le thé sous le manguier après la mosquée. Pour le reste c'était la débrouille.

Youssef s'avisa de vouloir prendre un prêt pour développer son affaire.

Une rapide analyse de risque côté conseiller clientèle pouvait conclure :

a) Youssef Inc. était un bon risque si on considérait qu'il avait une forte incitation à travailler dur, que son foyer vaquait aux tâches essentielles sans qu'il ait besoin de s'en soucier, que son potager serait toujours cultivé, qu'il n'aurait pas besoin de cotiser à une caisse de retraite, qu'il serait tendrement soigné en cas de pépin, que la relève serait là le moment venu etc...
b) Youssef Inc. était un mauvais risque, s'il venait le soupçon qu'une partie de son énergie, notamment pour arbitrer les querelles de famille, pouvait faire défaut à son business et que la probabilité était grande de confondre poche familiale et poche professionnelle.

La banque dans ce contentrep_africianexte ? Elle s'était adaptée. D'abord en prenant une marge d'intérêts très élevée, proportionnée au risque perçu, autorisant des provisions ultérieures généreuses, de la bonne banque quoi ! Ensuite, pour se prémunir contre une défaillance hélas toujours possible, la banque avait demandé à Youssef deux ou trois petites choses.

Cela tombait bien. Youssef était disposé à donner ce qu'on voulait: par exemple une garantie solide, sous forme de titre foncier, le sien ou s'il le fallait, celui d'un parent ou d'un ami avec une forte pression sociale pour rembourser ou bien, plutôt et une caution solidaire, indivise, conjointe, irrévocable, inconditionnelle, sans bénéfice de division, de soustraction, de discussion, de palabre donnée par son entourage.

La banque, méfiante malgré tout, voulait quand même pister le cash et effectuait le déblocage des fonds directement chez les fournisseurs de Youssef qui n'était pas vexé pour autant.

Suivant pas à pas la trésorerie issue des achats et de ventes de Youssef, la banque avait aussi demandé la domiciliation des flux de Youssef, la cession des créances de Youssef sur ses clients, le nantissement des marchés de Youssef ...mais pas encore de ses épouses et enfin, la cotisation à un fonds d'assurance-décès détenu par la banque.

Youssef était seul, sans secrétariat et se pliait de bonne grâce à ces exigences administratives comment dire... normales.

Une des clés de l'énigme, c'est à dire de sa solvabilité réaffirmée jour après jour, résidait dans l'activité incessante et l'énorme faculté d'adaptation de Youssef: pas de charges fixes ou si peu, pas de congés, des salaires payés à la saint glin glin sans Prud'hommes, la famille qui prêtait la main gratis pro deo, les impôts ... pardon quels impôts ?

Youssef tel l'escargot, circulait avec son affaire sur son dos. Son siège était dans son salon ou à la terrasse de Maman Berthe, ses stocks étaient ici ou plutôt là, sa caisse dans sa poche, son secrétariat dans son téléphone, avec toujours le sourire accroché d'une oreille à l'autre.

Les secrets de Youssef ? comme pour tout entrepreneur africain : le travail, la solidarité, la flexibilité, la résilience...

Les banques étaient donc prospères et les tribunaux peu encombrés. Et, papaye sur le boubou, dans ce pays de cocagne, les banquiers jouissaient de prestige et de la déférence de leurs clients.

"Vous savez M. Philippe, un entrepreneur africain ne dépose jamais le bilan. D'abord il n'en a pas, ensuite il ne saurait pas où le déposer!"

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