Dialogue Nord - Sud

Juin 2013
Nord Malien: " Bonjour Ousmane ! Dis à la mère que je suis bien arrivé. Modibo m'a récupéré à Roissy et j'ai passé trois jours au consulat. Ils ont trouvé un lit pour moi au foyer de la rue des Boulets. Tu ne devineras jamais qui j'ai retrouvé là bas: Moussa, le cousin de Yelimané qui est vigile en discothèque ! On le traite de raciste quand il bloque les blancs à l'entrée. A six, la chambre est petite surtout quand Moussa fait la musculation au milieu des valises".

Malien du Sud " Bonjour Félix ! La mère pleure depuis ton départ. Au village, le moteur de la pompe s'est arrêté tout à coup et le champ de mil n'a pas reçu d'eau. Tu es en France, tout va s'arranger".

Septembre
NM " J'ai failli être coincé par la police au Trocadéro. Je n'ai toujours pas ma carte de séjour malgré trois visites à la Préfecture de Bobigny, la dernière à 4 heures du matin. Les pakistanais ne veulent plus faire la queue pour les africains.
Souleymane m'a pris avec lui sur les marchés. Mais le prix du riz et de l'huile est cher et l'imam du foyer a dû me prêter pour rembourser la chambre. Il me dit d'aller plus souvent à la prière".

MS " La mère pleure plus que jamais. Le père est parti aux funérailles de l'oncle Abdoulaye depuis huit jours. Mais quand Abdoulaye a appelé la mère hier au téléphone, elle a cru devenir folle. Aminata ne va plus à l'école car elle a des rougeurs sur les bras et les jambes. Sa professeur l'a renvoyée à la maison.
S'il te plaît, donne nous le code du transfert Western Union. Le fils des voisins a envoyé de l'argent depuis Montreuil pour refaire le toit de ses parents".

Novembre
NM " Souleymane n'a pas payé la taxe des commerçants et je n'ai plus de travail. Il commence à faire froid et j'ai dû quitter le foyer pour faire place aux nouveaux arrivants. Fatou et Hussein m'ont bien proposé de dormir chez eux dans le couloir mais il faudra déguerpir avant l'accouchement.
Moussa dit que je ne suis pas assez costaud pour travailler à la discothèque mais tout va bien. Il reste encore du riz dans le sac de 50 kg".

MS " La mère est couchée depuis quinze jours. Elle n'a plus de larmes et le père ne donne pas de nouvelles. La moto est en panne et le mécano refuse la réparation. Pour Aminata, le médecin veut qu'on lui paie les trois dernières visites sinon il ne viendra plus. La mère ne sait pas si elle reprendra l'école. Felix, s'il te plaît, tu es riche. Pourquoi tu nous as oubliés?".

Mars 2014
NM " Fatou a eu son petit. L'imam m'a trouvé un lit derrière la cantine à la Commanderie au bord du périphérique mais sans chauffage. L'hiver est long mais j'ai bon espoir. A Bagnolet, Souleymane me dit que je vais travailler dans le bâtiment. On ne demande aucune qualification, je vais apprendre. C'est la fin de la galère. Il est temps, je n'ai plus de riz".

.....

Mai
MS " Felix, tu n'as pas répondu à plusieurs lettres. La mère dit que ce n'est pas la peine que tu reviennes au village pour l'Aïd. Personne ici ne comprend ton attitude après tous ces sacrifices. Nos voisins ont fini de réparer leur maison."

Entrefilet aperçu à la dernière page de l'Echo du 9-3 du 17 avril:
''Nouveau drame de la misère à Bagnolet. Un migrant sans papiers s'est tué en tombant d'un échafaudage. Nombreuses irrégularités. L'employeur est sous les verrous".