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31 octobre 2014

Dr Nicodème Hombori

Trouver le cabinet du bon docteur Hombori à Bamako est en soi un défi, et par là même, un mode de sélection des patients. Il faut s'éloigner du goudron et obliquer dans un cul-de-sac en latérite, étroit et bosselé. Chassis bas s'abstenir sinon il faudra aussi soigner l'auto.

Un premier quidam interpellé pointe le doigt vers un immeuble en construction, un second vous renvoie dans la direction opposée, sans malice. Je rappelle l'assistante et un envoyé du docteur descend quelques minutes plus tard m'accueillir.

Mon coeur s'arrête quand j'aperçois une bonne dizaine de personnes dans le boyau qui fait office de salle d'attente. Il fait sombre. Pas assez de chaises. Pas d'air. Malaise si je dépasse tout le monde et malaise aussi si on me laisse patienter dans l'ordre d'arrivée. Le docteur risque d'avoir une vraie raison de m'ausculter. Ici, on ne débite pas le malade au quart d'heure, carte vitale dans le TPE inclus.

Du calme. Je suis venu en Afrique apprendre la patience. Mais quand même ! pas d'eau, pas de wifi dans l'antichambre. Bouffée de chaleur et accélération cardiaque. 

A côté de moi, uniquement des femmes, jeunes et vieilles, alanguies, le visage fermé, silencieuses, elles chassent négligemment les mouches autour des petits, endormis sur leurs genoux. Adossé au mur, je prends mon mal en patience en mémorisant les bribes de ma prochaine chronique. Miracle, au bout de dix minutes, tout le monde se lève pour la prochaine consultation : une tribu complète mais combien de patients à examiner ?  

Je ne compte plus le temps, perdu dans mes pensées, quand le Dr Hombori vient me chercher.

"Monsieur Philippe ?, désolé pour l'attente" 

"Non non, pas de souci (faux-cul avec ça) !" pas peu fier d'avoir pris mon tour, sans passe-droit.

photo_toubib

Dans la pièce blafarde qui sert de cabinet médical, tout le système de santé du tiers-monde me saute à la ... figure. Dans ce capharnaüm invraisemblable, le docteur Hombori essaie d'adoucir, jour après jour, les maux de la population qui lui est confiée comme un enfant contient la marée montante avec ses mains. Manque de moyens, abandon de l'Etat, débrouillardise...Vision d'une véritable épicerie villageoise où on pourrait trouver un peu de tout et surtout du réconfort.

Autour de moi, un squelette incomplet et de guingois, une affiche d'écorché, de vieilles pubs de campagnes sanitaires :

   l'allaitement maternel : 'le sein est sain',

   le palu : "pas de piqûre de rappel",

   le sida : "protégez-vous de vous-même",

   des consignes d'hygiène pour Ebola :' 'le virus, ne vous en lavez pas les mains ''.

Des affiches en faveur du préservatif ont été lacérées, machisme et religion sont en effet de puissants freins au progrès médical. Dans un coin, une armoire à pharmacie, pansue et branlante, revèle à travers ses vitres poussièreuses un bric à brac de fioles, de boites de médocs entamées, de cables d'ordinateurs, de téléphones mobiles obsolètes...

Lunettes dorées sur le nez, légérement vouté, le docteur Hombori ouvre son grand cahier carbonné et me fait réciter mon état-civil et mon état de santé. D'une écriture appliquée comme à la dictée, il note avec une pointe de déception que eh oui, rien à signaler. Je suis en effet venu chercher le coup de tampon pour ma visite d'embauche. Les copies d'examens occidentaux lui seront transmis par courrier. Ni radio, ni bilan sanguin. Tout a été fait et date de moins de trois mois. Pas même besoin d'une traduction. A désespérer.

"Vous savez, l'Afrique progresse et pas seulement grâce aux ONG. L'espèrance de vie augmente, la mortalité infantile recule, celle des femmes en couches aussi, le sida et le palu sont contenus en Afrique de l'ouest, la polio et la tuberculose ont presque disparu dans certains pays. Les médecins sont bien formés mais trop peu nombreux. Ils préférent aller dans votre désert médical, le massif central". Clin d'oeil !

Derrière le paravant, sur le lit recouvert de papier, euh quel papier au fait ? la tension est bonne et le genou répond au marteau.

"Vous pouvez vous rhabiller, Monsieur Philippe ". Ouf apte !

J'ai presque honte de ne pas le payer. Toubib et toubab se quittent néanmoins bons amis.

Cher Dr Hombori, Hippocrate peut être fier de ses lointains émules.

 

 

 

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