Quelques leçons d'Afrique

Au moment de quitter mon pays d'accueil, le Mali, et en espérant revenir en Afrique dès que possible, il est temps de tirer quelques leçons.

D'abord, il est passionnant de voir le monde à partir de l'Afrique: une foule d'événements incroyables s'y déroule (merci RFI, Jeune Afrique, TV5 Monde...), ignorés de la planète alors que ce qui parvient des autres continents (Amérique latine, Asie, et même l'Europe ) y est plus assourdi.

Un an c'est peu, même si certaines années comptent double mais c'est assez pour mieux connaître un peuple, surtout en immersion totale.

C'est surtout suffisant pour mieux se connaître soi-même - confronté à la très grande pauvreté (les rapports à l'argent et surtout à son manque sont omniprésents dans les relations; on découvre aussi pour soi une certaine frugalité de bon aloi), à la saleté, à la chaleur permanente, à la précarité en matière de circulation (témoin de beaucoup d'accidents mais jamais impliqué grâce à d'excellents chauffeurs) et de santé (Ebola fin 2014), dans une moindre mesure à l'insécurité. Ai-je su éviter tous les pièges ?

Patienter (pas trop mon fort!), écouter, ne pas juger, en tous cas, pas trop vite, prendre du recul, être fraternel sans familiarité, réaliser que presque rien n'est important ou urgent mais s'arrêter avant le fatalisme, la résignation...

Attention pas de naiveté : en cas de faux pas, beaucoup de choses ressortent et l'hostilité peut jaillir, disproportionnée en paroles et en actions.

Essayer d'avoir modestement un impact positif contrebalançant les préjugés classiques qui courent sur les 'blancs'. Se convaincre que la couleur de peau n'a rien à voir avec les capacités et aussi les convaincre de cela.

Les maliens du Mali sont forts chez eux, mais ne se font pas confiance ou n'ont pas assez confiance en eux. Paradoxalement, ils sont solidaires face à l'adversité tout en étant très individualistes dans le succès et dans leurs projets professionnels. En France, quand ils y parviennent, ils ne doivent leur salut qu'à la solidarité des autres membres de leur diaspora, tout en étant ensuite largement accablés par leurs compatriotes. Comment leur faire comprendre qu'ils doivent rester au Mali où presque tout est à faire, où leur famille les entoure, où le système D est général et le pouvoir d'achat meilleur ?

Sous-développement et corruption mettront très longtemps à disparaître. Le préalable : la sécurité au Nord pour éviter que les maigres ressources de l'Etat et celles forcément limitées de la fameuse 'communauté internationale' ne soient détournées de l'éducation, de la santé et du développement de l'industrie et du sous sol.

J'ai rencontré ici des hommes et des femmes de très grande valeur intellectuelle et morale, lucides et capables. Je n'ai pas pleuré en arrivant et ne pleurerai pas en partant, gardant l'espoir pour ce pays, y compris d'y revenir un jour.