Yangshuo - la vieille à la palanche

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Voici quelques années, voulant mettre mes souvenirs chinois en ordre, j'avais commis un opuscule de réflexions et de souvenirs autour de photos, Saveurs de Chine, dont cette page est issue.

A quoi peut-elle bien penser, la vieille, dans sa flaque d’eau saumâtre? Sa palanche posée profondément dans le sillon du cou, elle avance courbée, déformée. Elle est à mi-mollets dans le cloaque. Ses deux gros seaux en bois, vides, la font déjà ployer. Sa veste de coton, sans forme, lui donne une silhouette de poupée de chiffons.

En face, une montagne en pain de sucre borne son horizon. Il a toujours été là, ce pic, elle a toujours été là, la vieille, elle ou une autre, échappant à toutes les commotions de l’histoire mais pas à son destin de paysanne, vissée à la glèbe de ce coin perdu de Chine.

Les maisons basses et décrépites entourent la mare, devenue lieu de mort par le rejet incessant des déchets du village. Il y a belle lurette que les poissons l’ont désertée, asphyxiés. Mais l’eau, même croupie, permet toujours de laver le linge et le corps, de bouillir la soupe...

Où sont les autres habitants? Les enfants sont-ils à l’école, les hommes dans les champs ou occupés à la ville? Y aura-t-il à nouveau des rires qui fuseront par les fenêtres sans vitres ou bien la jeunesse a-t-elle fui ce trou de misère ?

Elle sait qu’elle mourra là, la vieille, isolée par la double ceinture des maisons et des montagnes. On dirait qu’elle entre dans l’eau pour s’y noyer, avec sa palanche comme lest.