Ramadan

Il va m'être donné de vivre un ramadan dans un pays majoritairement peuplé d'habitants musulmans, observants scrupuleux du rite. L'une des cinq grandes obligations de la religion. Période de jeûne bien sûr, mais aussi de partage lors des ruptures, de recueillement et de paix. Exercice à la fois physique et mental très fort.

A Barbès ou Saint-Denis, au milieu des infidèles, la pratique était évidemment moins spectaculaire !

Depuis les premières lueurs de l'aube jusqu'à la disparition du soleil derrière l'horizon, pas une goutte d'eau, pas une bouchée ou miette de nourriture, pas de relations sexuelles. Ce billet se limitera aux deux premières interdictions. Pendant 14 (Mali) à 18 heures (France) chaque jour, selon la latitude. Et ce, durant 30 jours d'affilée! Pour les musulmans du grand nord (Scandinavie, Russie...) qui connaît 6 mois de jour continu, les horaires sont dérogatoires ou calés sur ceux de la Mecque.

Mes amis maliens me disent qu'au début du mois saint, du mois sacré, il y a une certaine euphorie, un mieux-être. Ensuite, on entre dans le dur comme au 30e km du marathon avec le fameux mur : le corps est défié et les réserves entamées. Ce sacrifice est porté par la foi, le défi et, comme tout le monde ou presque suit le jeûne  … et surveille son voisin pour débusquer les mécréants, les tentations sont plus difficiles. La pression sociale est forte.

La journée type : lever à 4 heures, prière à la mosquée, petit déjeuner copieux pas au-delà de 5 heures. Journée de travail 8 heures - 15 heures, retour à la maison, puis mosquée et dîner plus ou moins abondant vers 19 heures, coucher 21 heures dernier carat. Peu ou plus du tout de sport. Il faut s'économiser. La douche est autorisée à condition de ne pas ouvrir la bouche ! On peut aussi rester sous la pluie. Mais cette année, la météo sera punitive : grosse chaleur, pluies maigres et tardives.

Femmes enceintes, enfants et malades sont exemptés quoique les enfants démarrent tôt leur apprentissage, vers 12-15 ans, selon les familles, avec des plages de jeûne en journée plus courtes ou un ramadan moins long. Pas simple non plus de manger ou de voir manger dans ce contexte.

Par solidarité, les musulmans décomplexés ou non pratiquants (il y en a) ceux qui se moquent de l'image qu'ils donnent, les chrétiens, animistes et autres athées peuvent limiter leurs agapes. En réunion de moins de deux heures, on peut s'abstenir de boire par exemple …au restaurant ne pas reprendre de dessert ! Si on dépanne un musulman au bord de l'évanouissement d'un verre d'eau, promis, on ne le dénoncera pas.

L'émulation est certaine. Certains allongent même la journée de jeûne et le font savoir. Ne sous-estimons pas le risque pour la santé. Tout est affaire de raison. Pas d'excès de table le soir après la disette sous peine de sérieux ennuis. Il faudra attendre la sortie du ramadan, l'Aïd-El Fitr, pour faire la fête. Quelle fierté ! un corps affaibli mais purifié, une foi renforcée, un dieu reconnaissant du sacrifice...  Quoiqu'il en soit, chapeau, un sacré entraînement à la maîtrise de soi, on trouve sûrement là une explication à l'incroyable résilience des gens d'ici.

Alors bien sûr, la performance économique ce mois-ci sera en berne, les dernières forces seront consacrées aux différentes prières et séances de mosquée, les couloirs jonchés de somnolents, les rues pleines de motards et automobilistes pressés de rentrer chez eux, les réunions de l'après-midi abriteront surtout des siestes et des bâillements.

Un pic commercial dans les semaines qui précédent le ramadan est constaté pour la farine, l'huile et le sucre, les produits de première nécessité pour lesquels l'Etat contrôle les disponibilités et les prix pour éviter rupture de stocks, inflation galopante et manifestations dans la rue.

Boubous et voiles vont remplacer jeans et costumes. Le maquillage va discrétement s'effacer. Les paniers -cadeaux vont circuler (sucre, dattes, lait, jus de fruit...). Les maquis (boites de nuit et autres lieux de perdition..) vont se vider (un peu).

De Dakar à Jarkata, un milliard de musulmans vivront en communion jusqu'à la mi-juillet. Les chances de paix en sont accrues, Hamdullilah. Ce serait le bouquet que les intégristes et autres terroristes barbus ne respectent pas cette pieuse trêve.

Comments

[Denis MUNOZ]

Salut Philippe,

Et toi qu'as tu choisi, la solidarité active ou l'observation aiguë

Dans tous les cas, grand courage